La dernière participation de Laurent Cochet à l’Africa Eco Race remonte à 2022 où son objectif d’alors était de partager les journées des pilotes retardataires qu’il appelle affectueusement les « poireaux » dans une série documentaire passionnante.
Laurent Cochet remet le couvert cette année avec une participation en tant que pilote en catégorie Racing au sein même de l’écurie Yamaha Officielle via la Structure Ténéré Spirit Expérience. Une aventure toute autre dans laquelle le chrono sera son pire ennemi.
Au détour de son passage dans nos ateliers pour préparer sa Ténéré 700 de course, nous en avons profité pour lui poser quelques questions.
Un nouveau challenge
Vous pouvez également écouter l’interview de Laurent Cochet par Geoffrey Anglaret via le lecteur audio ci-dessus.
Bonjour Laurent, est-ce que tu peux te présenter succinctement pour les gens qui ne te connaîtraient pas ?
Je suis ce type qui a fini par tomber dans un port en MJR1300, ce qui, il faut l’admettre, a un peu élargi ma notoriété. Mais pour être plus précis, j’ai commencé ma carrière comme journaliste à Paris. La moto, c’est une passion qui m’accompagne depuis bien avant cela. J’ai intégré Moto Journal en 1992, et j’y suis resté pendant vingt-trois ans. Ensuite, j’ai pris la décision de partir pour lancer ma propre boîte de production audiovisuelle et me concentrer sur les réseaux sociaux.
Je refuse de me définir comme un “influenceur” ou un “youtubeur”, tout simplement parce que j’ai démarré cette aventure en 2007, à une époque où YouTube n’avait que deux ans. Quand on voulait diffuser de la vidéo, on utilisait Dailymotion ou Viméo, et le terme d’influenceur n’existait même pas encore.
Ce qui me motive, c’est de toucher à tout : la vitesse, le rallye, et surtout, de montrer que tout cela est accessible à tous. J’essaie d’apporter un soin particulier à la qualité dans chacun de mes projets. Que ce soit dans l’écriture ou dans le choix des musiques, je veux transmettre des émotions à travers ce que je fais. Je ne suis pas dans cette course frénétique à alimenter constamment YouTube, Facebook ou Instagram. Mon objectif est de créer pour la qualité, de faire vibrer les gens, et surtout de leur montrer que cet univers est à leur portée.
Mais pourquoi cette idée de refaire une nouvelle fois l’AER, tu l’avais déjà fait il y a quelques années non ?
Je vais aborder cette aventure avec un état d’esprit complètement différent de celui de 2022. Pour ma dernière participation, l’idée, un peu folle il faut l’avouer, était de partir chaque jour en dernière position pour aider ceux qui étaient en difficulté. C’était presque inconscient, mais avec mon pote Amaury, on avait décidé de jouer les “porteurs d’eau” de l’Africa Eco Race, à l’ancienne.
Tous les jours, on partait en queue de peloton, et invariablement, on tombait sur quelqu’un en galère. Une fois, c’était un gars qui avait des problèmes d’embrayage. On a passé deux heures à l’aider à le réparer. On a aussi dépanné des pilotes à court d’eau et bien d’autres encore. Notre objectif était simple : donner un coup de main à ceux qui en avaient besoin, quitte à s’éloigner des leaders de la course. Ce qui m’intéressait, ce n’était pas d’être en tête, de toute façon, je n’en ai pas le niveau. Ce qui me passionne, c’est de raconter ce qui fait la différence sur un Rallye-Raid.
J’aime expliquer la distinction entre les journées d’un Botturi ou d’un Tares, qui arrivent peut-être tous les jours au bivouac à 14 ou 15 heures, et celles d’un mec lambda comme moi. C’est fascinant d’avoir la possibilité d’être intégré à une équipe officielle, de profiter de leur assistance, de leurs conseils, de leurs soins. On en parlait encore récemment : dans quel autre sport peut-on vivre ça ?
Imaginez verser une somme d’argent et vous retrouver dans le box à côté de Quartararo pour participer au Grand Prix de France. C’est impensable dans d’autres disciplines, mais en Rallye-Raid, c’est possible. Cette expérience est tellement unique que je voulais la partager. C’est ce qui me motive, c’est ce qui me plaît.
Comment tu vas structurer ta préparation ? Est-ce que tu as un accompagnement ou un plan particulier ?
Zéro. Clairement, je ne me suis pas encore vraiment penché sur ma préparation physique. Dans ma vie, je ne me suis sérieusement préparé que deux fois : d’abord pour les 24 Heures du Mans, où j’étais bien conscient que la vitesse exigeait une bonne préparation, puis une autre fois, quand j’ai fait ce que j’appelle “un demi-Dakar”, même si je n’y étais pas vraiment en tant que concurrent.
J’ai tendance à me reposer un peu trop sur ma connaissance des longues journées de moto. Je me fais beaucoup confiance là-dessus, mais je pense qu’il va falloir que je fasse un effort pour inclure un peu plus de préparation physique cette fois-ci. C’est indispensable.
Je vais probablement consulter Loïc Minaudier, évaluer la situation et voir quel travail il reste à accomplir. Il faudra faire vite, parce qu’il ne me reste que cinq mois avant le départ !
Est-ce que tu es excité à l’idée de participer au sein de l’équipe Yamaha officielle avec le TSE et à quoi tu t’attends, comment tu visualises la chose, quelles sont tes attentes ?
La grande différence pour moi, c’est que je ne suis pas un concurrent. Je suis un spectateur, quelqu’un qui est là pour raconter une histoire, un spectateur privilégié certes, mais avec une approche très en retrait. Tous les jours, je vais filmer, capturer les événements au gré des arrêts, que ce soit aux camions essence ou à des moments où j’aurai besoin de faire une pause. Il m’arrivera de me filmer moi-même, mais toujours dans l’optique de raconter cette aventure. Mon objectif, c’est d’aller au bout de cette histoire.
Même dans ma manière de rouler, ça se ressent. Mon but principal, je touche du bois, c’est de ne pas tomber, de ne pas me blesser. Je veux pouvoir témoigner de cette expérience auprès des gens, partager cette aventure sans risquer d’y mettre un terme prématurément.
Je connais un peu Botturi et Tares, on s’est déjà croisés deux ou trois fois, et c’est fascinant d’observer les différences. Le Rallye-Raid est unique, à part des autres disciplines. Sur un circuit, tout le monde prend les mêmes risques : freiner tard, accélérer tôt. Mais en Rallye-Raid, il y a la dimension des longues journées, la dimension du désert et du risque qui crée, je pense, une certaine fraternité entre les participants. C’est cet aspect que j’attends aussi de vivre.
J’en ai parlé avec Marc Bourgeois, le Team Manager du Team Yamaha Rallye, et je crois que, malgré tout, les pilotes ont besoin de préserver une bulle de compétition, un espace pour se concentrer, se préparer, s’isoler. Ce qui me fascine, c’est de voir comment ils vont intégrer des personnes comme moi, spectateurs privilégiés, dans leur dynamique. Je ne sais pas encore comment ça va se passer, mais ce sont des gars sympas, alors je suis curieux de voir comment tout cela va se dérouler.
En fin de compte, c’est un parallèle intéressant à faire entre ces pilotes affûtés, prêts à tout donner, et moi, qui suis là pour observer et raconter. Mon objectif, c’est de vivre cette aventure jusqu’à la ligne d’arrivée.
Dans quelle catégorie vas-tu t’engager et pourquoi cette catégorie ?
Avec tout ce que j’ai accompli jusqu’à présent, et sans vouloir dénigrer la catégorie raid, je sais que je ne serais pas capable de m’y engager pleinement. Si je partais en raid, ce serait pour me balader seul, prendre le temps de m’arrêter, de découvrir des villages. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait en 2022, quand j’ai traversé la Mauritanie. Il y a eu un moment où je me suis dit : “C’est tellement dommage qu’on n’ait pas le temps !” C’est ce genre de rencontres que j’aime. Quand je suis tombé en panne d’injecteur, plusieurs Mauritaniens sont venus à ma rencontre, et j’ai adoré cet échange. C’était un moment fort, mais en course, tout va trop vite pour ça.
Si je veux prendre le temps, je ne participerai pas à un raid. Je l’ai encore expérimenté en février, quand je suis parti seul avec une voiture de neuf chevaux. J’ai pris mon temps, je me suis arrêté quand je le voulais, sans pression. C’était une balade, pas une course.
Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est l’aspect course, cette répétition quotidienne, l’usure physique et mentale qui s’installe. C’est le rêve du Dakar version course, à l’image des premiers Dakar où personne ne venait simplement pour se promener, où le raid n’existait pas. Je me vois dans cette dynamique, mais sans objectif de performance, sans pression de chrono. Mon seul but est d’essayer d’arriver chaque jour avant la nuit, rien de plus.
Et pour finir, qu’est-ce qui t’a amené au rallye, en tout cas vouloir te lancer là-dedans. Il y a déjà quelques années ?
Cela fait des années que je traverse l’Afrique, et ce que je vais dire peut sembler banal, mais ça reste un souvenir marquant. Quand j’avais 18 ans, j’habitais Orléans, et le Dakar partait du Trocadéro. Chaque année, après une nuit bien arrosée du 31 décembre, on se retrouvait au bord de la Nationale 20 pour voir passer les premiers concurrents. Parfois, il y avait même un prologue. À cette époque, ces pilotes faisaient rêver, des grands noms qui vivaient des aventures incroyables.
Il y avait, et il y a toujours, une magie indéniable. Ce n’est pas un secret : ce rêve de revenir à ce qu’était le Dakar autrefois, à une époque plus simple, attire encore beaucoup de monde. L’Afrique, avec ses paysages et ses habitants, joue un rôle important dans cette fascination. Ce sont des rencontres qui marquent.
Et puis, il y a un aspect très appréciable dans l’Africa Eco Race : pas trop de liaisons. Pas de trajets inutiles où tu dois parcourir 200 kilomètres avant de commencer une spéciale de 400 kilomètres. Tout est bien pensé, tout est concentré sur l’essentiel, et c’est ce qui rend l’aventure encore plus captivante.